Un amateur français observe un étrange polygone au pôle Sud de Saturne

l se passe quelque chose d’inhabituel au pôle Sud de la planète aux anneaux. Un astronome amateur français, Jean-Paul Oger, l’a constaté en étudiant les photos réalisées avec son télescope de 400 mm de diamètre. Les scientifiques, intrigués par cette découverte, attendent plus d’observations des amateurs.

Un astronome amateur français, Jean-Paul Oger, a-t-il photographié une nouvelle structure nuageuse étrange au pôle Sud de Saturne ? C’est ce que laissent penser ses images, prises avec un télescope de 400 mm de diamètre. Ses photos montrent assez nettement une forme de décagone qui encercle le pôle Sud de la planète aux anneaux.

Décagone, cela signifie une figure à dix côtés. Pour Jean-Paul Oger, qui photographie les planètes depuis le département du Nord, la surprise est survenue le 22 août 2025 quand, sur les conseils de Christophe Pellier, un ami astronome amateur comme lui, il a réalisé un planisphère centré sur le pôle Sud de Saturne avec ses images du 16, 19 et 22 août. Là, la zone nuageuse sombre entourant le pôle et s’étendant jusqu’à 63° de latitude a clairement affiché ses dix côtés. La structure était encore plus évidente sur les photos réalisées les jours suivants.

Déjà, le 29 juillet 2025, sur une autre de ses images, Jean-Paul Oger avait remarqué « des vagues » dans les nuages de l’hémisphère austral, « mais sans y prêter plus d’attention ».

La curiosité météo de Saturne a été photographiée par d’autres amateurs au cours de la même période. Par Christophe Pellier le 23 août à l’aide d’un télescope de 350 mm. Mais aussi par notre journaliste Jean-Luc Dauvergne avec son télescope de 300 mm dès le 28 juin, puis les 6 et 10 juillet, mais sans que celle-ci apparaisse assez nettement pour être remarquée.

Un polygone dû aux ondes créées par les vents

Ce décagone rappelle un hexagone découvert par la sonde Cassini au pôle Nord de la même planète après 2009, année du précédent équinoxe saturnien. « Cette observation est plausible », estime Sandrine Guerlet, spécialiste des atmosphères planétaires au Laboratoire de météo dynamique, à Paris. « Cette observation est plausible. Quand la sonde Cassini est arrivée autour de Saturne, rien de tel n’a été trouvé autour du pôle Sud. Puis nous avons découvert un hexagone au nord. Nous l’avons étudié mais la chose que nous ne sommes pas arrivés à reproduire dans les modèles, c’est sa pérennité », ajoute la chercheuse.

En d’autres termes, il est possible que la structure actuellement observée par Jean-Paul Oger autour du pôle Sud se soit formée dans l’intervalle (un peu plus de 15 ans). Quant à son origine, Sandrine Guerlet explique : « Le vent crée des instabilités qui donnent des ondes. Celles-ci se propagent en se dirigeant tantôt vers le nord, tantôt vers le sud. » C’est ce qui crée les « faces » qui délimitent la zone nuageuse. Ces faces ne sont d’ailleurs pas forcément rectilignes (c’est le cas sur l’hexagone).

Tristan Guillot, spécialiste des planètes géantes à l’observatoire de Côte d’Azur, confirme : « L’onde créée fait le tour de la planète en oscillant du nord au sud, et cela en résonnance. Cela veut dire qu’au bout d’un tour de la planète, l’onde revient dans la même position. » C’est ce qui permet au polygone d’exister. L’astronome ajoute : « C’est très intéressant ! Car nous n’avons pas la même structure au nord et au sud, et pas à la même latitude. Cela doit nous renseigner sur la profondeur des vents. Il reste une question : quid des observations antérieures, notamment celles du télescope spatial Hubble ? »

Rien de notable sur les images de Hubble et de Cassini

Nous avons donc fouillé dans les images du télescope Hubble prises avant 2009, autrement dit, avant le précédent équinoxe, lorsque le pôle Sud de Saturne, éclairé par le Soleil, était visible depuis la Terre. Quelques images, datant de 2003 et 2004, suggèrent déjà l’existence d’une structure polygonale, mais bien moins marquée.

Dans les archives de la sonde spatiale Cassini, arrivée en orbite autour de Saturne en 2004, quelques images montrent une amorce de polygones mais pas toutes. En résumé : les nuages ondulent parfois mais cela ne dure pas. De sorte que la structure observable en ce moment semble bel et bien nouvelle.

Les premiers soupçons en Juin 2025

En Espagne, l’astronome Agustin Sanchez-Lavega, de l’université du Pays basque, s’est déjà emparé des premières images obtenues par des amateurs et planche à une publication scientifique. « Les premières images que j’ai remarquées datent du 24 juin 2025, indique l’astronome. Elles ont été faites par Trevor Barry, en Australie et par Christopher Go, aux Philippines. » En tout, une vingtaine d’amateurs ont documenté le phénomène. Et le chercheur est formel : « C’est une chose nouvelle. Nous avions publié il y a plusieurs années des articles qui disaient qu’il n’y avait pas d’onde définie dans le Sud de Saturne. Et cela à partir des images du télescope Hubble et de la sonde Cassini. Cette structure est donc apparue au cours des dernières années. »

Selon ses premières mesures, le décagone, dont deux faces sont mal définies, semble se déplacer un peu plus vite que la rotation de la planète sur elle-même. Pour cette raison, il est important que les amateurs continuent à observer au cours des mois, voire des années qui viennent. « Alors que l’hexagone du pôle Nord est permanent, puisqu’il existait déjà quand les sondes Voyager ont survolé Saturne, le décagone au pôle Sud pourrait ne pas l’être », suppose Agustin Sanchez-Lavega. La différence entre les deux pourrait tenir à la profondeur à laquelle les vents descendent sous la surface des nuages.

Saturne, à observer pour les années à venir

Dans les prochaines semaines, les anneaux vont à nouveau se refermer du fait du mouvement de la Terre sur son orbite. Et ce jusqu’en novembre 2025, ce qui va donner une configuration légèrement moins favorable pour observer efficacement le pôle Sud de Saturne. Mais ensuite, celui-ci sera de plus en plus tourné vers la Terre. Le phénomène, même s’il n’est pas pérenne, devrait durer au moins plusieurs mois, probablement des années. Il sera donc de plus en plus facile à photographier, à mesure que les anneaux s’ouvriront par rapport à la Terre.

Chacun peut participer à alimenter les données sur Saturne, par exemple en envoyant ses images de surfaces planétaires faites au télescope par email à pvol@ehu.eus, en renseignant son nom, éventuellement le lieu d’observation, et l’heure précise (à la minute près) de la prise de vue.

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