Le Soleil est-il en train de s’emballer ?

’activité solaire est très fournie depuis quelques mois. Elle pointe à 240% par rapport aux prévisions ces derniers mois. Est-ce que le Soleil est en train de s’emballer ou bien est-il juste en avance sur son cycle d’activité de 11 ans ?

Alors qu’il entre dans son cycle d’activité 25, le Soleil déjoue tous les pronostics. En mai 2022, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) a répertorié 96 taches à sa surface, contre les 40 attendues. Depuis deux ans déjà, le niveau d’activité moyen de notre étoile est 2 à 3 fois supérieur aux attentes. « Avec ma collègue Lisa Upton, nous préparons une mise à jour des prévisions, actuellement en deçà de ce que l’on observe », constate David Hathaway, ancien astrophysicien de la Nasa.

Le Soleil change de pôles tous les 11 ans

Le Soleil suit un cycle d’activité de 11 ans. Le cycle actuel est le 25e observé depuis 1755. Le maximum de chaque cycle est lié à l’inversion des pôles magnétiques de notre étoile.

Lorsque cette inversion se produit, il y a une période d’instabilité pendant laquelle de nombreux sous pôles magnétiques apparaissent. Ils provoquent une activité intense, matérialisée à la surface par les taches et les protubérances chères aux astronomes amateurs.

Taches et protubérances solaires photographiées en avril 2022 par Philippe Tosi (l’image de la terre est là pour donner l’échelle). © P. Tosi

C’est aussi pendant ces périodes que la Terre connait sa plus forte activité géomagnétique. La manifestation la plus spectaculaire en est l’apparition d’aurores polaires plus nombreuses et plus intenses.

Des années 1930 jusqu’aux années 1990, les pics d’activité ont été assez marqués, en dehors du cycle 20. Depuis, les maximums de 2001 (cycle 23) et de 2013 (cycle 24) marquent une tendance à la baisse.

Variation de long terme de l’activité solaire. © NOAA
Prévisions actuelles du NOAA. Les observations en noir dépassent nettement la prévision en rouge. © NOAA

Du coup, on pronostiquait pour le maximum suivant, prévu en 2025, une intensité modérée — de l’ordre de 115 taches solaires par mois, c’est-à-dire un niveau comparable au cycle 24. Intuitivement, si l’on est déjà à 96 taches par mois trois ans avant le maximum, on peut s’attendre à ce que la valeur de 115 soit dépassée. Mais en science, il faut parfois se méfier de ses intuitions…

Le Soleil avance de 5 mois

« Une part du décalage constaté entre la prévision et les observations vient du fait que le minimum d’activité entre les cycles 24 et 25 n’a pas eu lieu en décembre 2019 comme attendu, mais cinq mois plus tôt », prévient David Hathaway. Quand on dit que le Soleil suit un cycle de 11 ans, on oublie souvent de préciser qu’il s’agit d’une moyenne. Notre étoile n’est pas un métronome : on constate souvent des écarts de l’ordre d’un an d’avance ou de retard par rapport à la moyenne.

Vers une hausse de l’activité

La question de savoir si ce démarrage en trombe augure ou pas d’un pic d’activité fort pour ce cycle 25 n’est pas résolue pour autant. « Prévoir l’intensité d’un cycle est comme prévoir la sévérité de l’hiver ou de la saison des ouragans, ironise David Hathaway. Plus on avance dans la saison, et mieux on sait dire ce qui va se passer. Trente mois se sont écoulés depuis le début du cycle 25, ce qui nous place à mi-chemin du maximum. Ce que l’on peut dire au regard des courbes actuelles, c’est que le cycle 25 devrait être plus intense que le précédent, mais restera modéré. »

Sur cette base, les astronomes ont tracé la nouvelle courbe ci-dessous, qui prévoit un pic d’activité de l’ordre de 130 taches solaires en moyenne.

Cette courbe montre la nouvelle prévision d’activité solaire réalisée par David Hathaway et Lisa Upton.

Cela reste une prévision. La forme de la courbe notamment peut différer comme lors du précédent cycle où il y a eu non pas un, mais deux pics d’activité, le premier en 2011 et le suivant en 2014.

Est-on en train de sortir d’un cycle centennal ?

« Le Soleil connaît aussi un cycle plus long de 100 ans, découvert en 1939 par Gleissberg. Si le cycle 25 est plus important que le cycle 24, cela pourra indiquer que l’on sort du minimum de ce cycle de plus longue période », suggère David Hathaway.

Si le bulletin de météo solaire de David Hathaway et de Lisa Upton se révèle exact, c’est de bon augure pour les astronomes amateurs.

Outre l’observation du Soleil en elle-même, un regain d’activité peut provoquer des aurores polaires parfois visibles jusqu’à nos latitudes.

Or, si un tel phénomène s’est produit à plusieurs reprises lors du pic du cycle 23 au début des années 2000, le cycle 24 n’a pas donné de telles occasions pour la France.

Les aurores polaires sont une des conséquences de l’activité solaire. © J.-L. Dauvergne

Revers de la médaille, une tempête géomagnétique forte est une source de vulnérabilité pour tous les équipements électroniques. Ces derniers se sont multipliés et miniaturisés depuis vingt ans, ce qui augmente leur sensibilité à de telles perturbations. Les satellites et les centrales électriques sont les infrastructures les plus sensibles. L’une d’elles avait sauté au Canada en 1989. C’est le dernier gros incident notable du genre.

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