PSR J0901-4046

Une équipe de l’université de Sydney a découvert une étoile à neutrons dont la période de rotation est trop lente pour être habituelle. C’est la deuxième en quelques mois…
« Soit on a été très chanceux, soit c’est le début d’une nouvelle ère où on va détecter des objets plus lents, avance Guillaume Voisin, astrophysicien au CNRS, spécialiste des pulsars.

Ledit objet « plus lent » est une étoile à neutrons dotée d’une période de rotation de 76 secondes. Appelé PSR J0901-4046, il a été découvert grâce au réseau de radiotélescopes Meerkat, installé en Afrique du Sud. Et il pourrait n’être que l’un des premiers représentants d’une population de milliers d’autres…

« En théorie, les modèles disent que cet astre ne devrait pas être détectable », affirme Micuela Oertel, directrice de recherche au CNRS. Les étoiles à neutrons sont en effet des résidus compacts et très denses (quelques kilomètres de diamètre) qui se forment lors des explosions d’étoiles massives en supernova. Et certaines d’entre elles deviennent des pulsars : des astres qui tournent très rapidement sur eux-mêmes, avec une fréquence allant de quelques millisecondes à quelques secondes. On détecte ces toupies célestes grâce à leurs émissions radio qui balayent l’espace — exactement comme le fait le faisceau d’un phare. L’observation de ces brèves pulsations radio a donné le nom de pulsar, contraction de pulsating star.

Quand elles vieillissent, ces étoiles ralentissent leur rotation et leurs émissions radio devraient cesser. Avec une période supérieure à 1 minute et un âge estimé à 5,3 milliards d’années, plus aucun faisceau radio n’est censé être émis par PSR J0901-4046. Mais ce qui rend le cas de cet objet particulièrement intéressant, c’est qu’il n’est pas le seul pulsar étrange détecté récemment.

Un précédent encore plus lent

En janvier 2022, une équipe australienne avait repéré, avec l’observatoire de radioastronomie de Murchison, un flash radio qui se répétait toutes les 18 minutes et 11 secondes ! Les autres caractéristiques de l’astre, comme sa très grande luminosité qui implique un fort champ magnétique, suggéraient l’hypothèse d’un magnétar à rotation lente, dont l’existence a été théorisée en 1992, mais jamais observée. Les magnétars sont un autre type d’étoiles à neutrons, avec un intense champ magnétique et des phases de veille et des phases « éruptives » durant lesquelles elles émettent une grande quantité de rayons X et gamma.

Dans le cas de PSR J0901-4046, les astronomes ont plusieurs hypothèses. La piste d’un magnétar vient en premier. « Comme l’étoile émet sept types différents de pulsations, ça pourrait être un magnétar, mais nous n’avons pas détecté de sursauts gamma ou de rayons X, et il n’y a pas l’aspect éruptif des magnétars. C’est très régulier », explique Guillaume Voisin. Le chercheur est cependant prudent : de futures études pourraient amener des résultats différents avec des appareils plus sensibles à certains types de rayonnements.

Une naine blanche est un astre dense issu de l’évolution d’une étoile de quelques masses solaires. Elle peut concentrer la masse du Soleil dans un volume équivalant à celui de la Terre. Vue d’artiste : © ESO/L. Calçada

Le cas est si intrigant qu’une autre hypothèse est envisagée. Il s’agirait d’une naine blanche, et non d’une étoile à neutrons. « Ce sont des résidus d’étoiles moyennes. Les naines blanches sont visibles d’assez loin, car elles sont relativement grosses », détaille Guillaume Voisin. Mais pour l’instant, rien n’a été observé en lumière visible à cette position.

Des radiotélescopes plus performants

Si ces deux découvertes sont aussi récentes, c’est pour une raison : depuis quelques années, les paramètres de détection ont évolué, et de nouveaux appareils ont été construits, plus sensibles.

« On ne trouve que ce que l’on cherche », plaisante Guillaume Voisin. Quand des astronomes chassent des pulsars, ils ne prennent en compte qu’une certaine période, qui permet de les détecter. C’est en allongeant cette période que l’on a pu repérer PSR J0901-4046 avec un appareil très sensible et novateur : Meerkat, en Afrique du Sud, actif depuis 2018. Celui-ci a déjà pu prendre des images très précises d’une radiogalaxie et du centre de notre Voie lactée.

Le réseau de radiotélescopes Meerkat. © South African Radio Astronomy Obs.

« On a trouvé beaucoup de nouveaux objets avec Meerkat », souligne Guillaume Voisin. C’est aussi le cas pour l’observatoire de radioastronomie de Murchison, en Australie. Ces deux sites sont des précurseurs, des versions miniatures du même projet international, le Square Kilometre Array (SKA), un radiotélescope géant en cours de déploiement en Afrique du Sud et en Australie. Le SKA devrait apporter des réponses aux grandes questions des scientifiques, sur la naissance de l’Univers et l’origine des formes de vie.

Avec ces deux nouveaux objets exotiques, l’histoire semble vouloir se répéter. En 1967, l’utilisation d’appareils plus sensibles, qui captaient des variations temporelles très rapides, avait permis à Jocelyn Bell de découvrir par hasard les pulsars et ouvrir la voie à leur étude. Les prochaines années diront peut-être si le scénario reste similaire et si une nouvelle population de pulsars est mise au jour.

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