Records homologués pour le sursaut gamma le plus puissant de l’histoire !

Six mois après sa détection en octobre 2022, les scientifiques sont formels : ce sursaut gamma est bien le plus énergétique jamais détecté. Les records établis par ce « monstre » sont partis pour durer des milliers d’années.

Dans le milieu, on le surnomme le BOAT pour « brightest of all time » : le plus brillant de tous les temps ! Lorsque ce signal a surgi dans la constellation de la Flèche, le 9 octobre 2022, les physiciens des hautes énergies ont immédiatement compris qu’il était exceptionnel.

Après plusieurs mois d’analyse, ils le confirment aujourd’hui : l’événement immatriculé GRB 221009A est le sursaut gamma le plus brillant jamais détecté. Ici, GRB signifie « gamma ray burst », et la lettre A indique qu’il s’agit du premier sursaut détecté à cette date.

Cette explosion de rayons gamma, forme la plus énergétique de lumière, est aussi la plus puissante intrinsèquement, une fois corrigée sa distance à la Terre. La galaxie qui l’abrite est éloignée de 2,36 milliards d’années-lumière, ce qui est relativement peu. « On pourrait donc se demander s’il n’est pas en fait un sursaut normal, mais beaucoup plus proche que d’habitude. Ça n’est pas le cas, il s’agit bien d’un monstre intrinsèque », explique Frédéric Daigne, de l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP).

Comparaison de la luminosité de GRB 221009A avec les autres sursauts gamma les plus énergétiques jamais détectés.
Un troisième flash a été détecté quelques instants après les deux premiers. 
Crédit : Adam Goldstein (USRA)

Capteurs saturés

« Le signal a saturé les détecteurs du télescope spatial Fermi », relate Benoit Lott, chercheur au Laboratoire des 2 infinis de Bordeaux. Et pour cause, la bouffée de lumière aurait été 120 fois moins intense, l’instrument GBM chargé de la détecter aurait quand même été débordé. « Il a fallu estimer l’amplitude réelle du signal à partir d’un signal saturé », explique le physicien. Voici pourquoi la découverte de GRB 221009A n’est publiée officiellement qu’aujourd’hui, mardi 28 Mars 2023.

Étudiant en doctorat à l’université d’Alabama et premier auteur de l’étude, Stephen Lesage a tiré le gros lot pendant sa thèse. « Ce type d’événement ne survient en moyenne que tous les 10 000 ans. Le BOAT serait le sursaut gamma le plus brillant depuis le début de la civilisation humaine », souligne le jeune chercheur dans un second papier.

« Par coïncidence, le deuxième plus brillant vient tout juste d’être détecté, le 7 mars 2023. Mais il ne culmine pas à 10 % de l’éclat record, c’est dire à quel point GRB 221009A était intense », commente Rachel Hamburg, coautrice de ces publications à l’université Paris-Saclay. Pour trouver celui complétant le podium, il faut remonter au 27 avril 2013 avec GRB 130427A. 

En plus de son intensité, le champion se démarque aussi par sa durée : 600 secondes pour la phase initiale (appelée « prompt ») et plus de deux jours pour l’effet différée (ou « afterglow »). « Cela implique que le phénomène a continué de produire des photons de très haute énergie pendant tout ce temps. C’est extraordinaire », juge Benoît Lott.

Plongeon dans la constellation de la flèche à l’endroit de GRB 221009A

Créateur de trou noir

Détectés en 1967 par des satellites espions américains mis sur orbite pour surveiller les essais nucléaires soviétiques, les sursauts gamma ont longtemps caché l’explication physique à leur existence. Aujourd’hui classés en deux catégories, les sursauts courts (moins de 2 secondes) sont associés à la fusion d’étoiles à neutrons, quand les sursauts longs (plus de 2 secondes) seraient la manifestation de la mort cataclysmique d’étoiles géantes.

« Nous pensons que le progéniteur de GRB 221009A est une étoile massive. Mais sa masse reste encore inconnue », livre Rachel Hamburg. Fort à parier qu’elle atteint plusieurs dizaines de fois celle du Soleil. En s’effondrant sur elle-même, l’étoile supermassive forme un trou noir autour duquel un disque de matière se met à tourner à la manière du siphon d’une baignoire.

De part et d’autre de ce tourbillon, deux jets de particules et de lumière sont éjectés comme les étroits faisceaux d’un phare. Quand leur direction coïncide avec celle de la Terre, le sursaut gamma est visible depuis notre planète.

Double flash

 « Il est extrêmement probable que GRB 221009A soit associé à la formation d’un trou noir, confirme Frédéric Daigne. La source alternative, parfois discutée dans la littérature, serait une étoile à neutrons très magnétisée, appelée magnetar.

Sur cette question, GRB 221009A n’est pas la détection qui apporte le plus de nouvelles informations, mais il tend à favoriser les trous noirs sur les magnetars. »

En revanche, parce que GRB 221009A est très brillant et très proche, les astrophysiciens sont parvenus à distinguer un flash précurseur (la petite bosse sur le graphique ci-dessus) survenu juste avant le signal principal (les 3 pics principaux). La détection est peu commune. « Moins brillant, le précurseur correspond à l’émission d’un jet initial qui doit lutter contre la matière rencontrée sur son chemin vers l’espace interstellaire », illustre Rachel Hamburg. Il ouvre ainsi les vannes pour le jet principal dans son sillage. Plus puissant, celui-ci apparait sous la forme d’un second flash bien plus brillant. « Si GRB 221009A avait été plus lointain, nous aurions raté ça. », précise l’astrophysicienne.

Vitesse record

Dans le cas de GRB 221009A, des photons très énergétiques n’ont pas seulement été détectés depuis l’orbite terrestre, mais également au sol. « L’observatoire LHAASO, construit en altitude au Tibet, a vu 5000 photons de ce type », rapporte Benoît Lott.

Que de telles particules lumineuses parviennent à s’extraire du sursaut gamma, sans être absorbées dans son voisinage, cela implique que le matériau a été expulsé à une vitesse folle : 99,9999% de celle de la lumière, indépassable. C’est, là aussi, un record de vitesse pour des particules propulsées dans l’espace interstellaire.

« Ce sursaut gamma a été observé par presque tous les observatoires terrestres et spatiaux, dans tout le spectre électromagnétique, ainsi que par les détecteurs de neutrinos », décrit Sarah Antier, de l’observatoire de la Côte d’Azur.

Mais aussi par… plus de quinze télescopes d’amateurs membres du programme d’observation Kilonova-catcher/Grandma.

Vu par tous, GRB 221009A est partie pour demeurer longtemps le sursaut gamma de tous les records.

La contrepartie visible du sursaut gamma observée le lendemain de la découverte par l’astronome amateur Français Marc Serrau. 
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